L’Afrique à l’heure du bilan, 20 ans après la conférence du Caire

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PANA

Addis-Abeba, Ethiopie – 20 ans après la conférence internationale du Caire (Egypte) sur la population et le développement (CIPD), l’Afrique évalue le chemin parcouru dans la mise en œuvre du programme d’action de cette rencontre qui a relancé les donnes au niveau mondial, à travers une conférence régionale démarrée lundi à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne.

Cette conférence régionale africaine qui regroupe des ministres de la planification, du développement, de la santé, du genre et de la population, des experts gouvernementaux, des instituts de recherche et de formation, le Parlement panafricain, les communautés économiques régionales, les organismes des Nations Unies, et les organisations internationales, examinera les progrès réalisés par le continent et balisera le chemin pour les années à venir.

En 1994, la communauté internationale réunie au Caire a approuvé un programme d’action sur 20 ans qui traduit un consensus mondial sur les problèmes de population et de développement durable et sur les actions et mesures concrètes permettant de faire face à ces problèmes.
Depuis lors, la définition et la mise en œuvre de politiques et programmes de population et de développement à travers le monde se sont inspirés du Programme d’action de la CIPD.
Selon le rapport régional basé sur les situations nationales présentés par 52 sur les 54 pays que compte le continent, les progrès accomplis dans la mise en œuvre du programme d’action de la CIPD sont inégaux, dans la mesure où certaines questions et priorités ont reçu plus d’attention que d’autres.
En général, souligne ce rapport actuellement examiné par les experts, il apparait que les questions liées à l’amélioration de la santé et des droits en matière de procréation, à l’égalité entre les sexes, à l’équité et à l’autonomisation des femmes sont mises en œuvre à grandes échelle.
En revanche, les questions relatives aux besoins des personnes âgées, aux personnes handicapées, à l’urbanisation et aux migrations internes, aux migrations internationales et au développement, semblent, pour le moment, recevoir moins d’attention. Cela s’explique probablement par le fait que ces sujets ne sont pas considérés comme des priorités immédiates.
La mise en œuvre est sérieusement remise en cause par les grandes tendances démographiques qui se dégagent des modifications de la pyramide des âges, de l’urbanisation rapide et de la répartition de la population, ainsi que des migrations internationales. Il y a encore des lacunes à combler et la mise en œuvre est contrariée par un large éventail de problèmes, dont le manque de compétences, de services et de ressources. Cela se reflète en partie dans le très faible niveau de mise en œuvre de mesures et d’intervention dans les délais.
L’examen opérationnel montre que les Etats s’attèlent à la mise en œuvre du programme, prennent les mesures nécessaires pour intégrer les questions de population et de développement, notamment les inégalités entre hommes et femmes, la santé et les droits en matières de sexualité et de procréation et le VIH/Sida dans leurs stratégie et plan nationaux de développement.
Toutefois, l’engagement et la volonté politique sont loin d’être généralisées dans tous les pays, et ne reposent pas toujours sur des décisions et une affectation suffisante de ressources financières et humaines aux activités et aux programmes en matière de population.
En outre, la mise en œuvre du Programme d’action en Afrique est incomplète, certains pays ayant défini des politiques saines de population et de développement n’ont pas encore élaboré de programme et de plans d’action pour les mettre en œuvre.
En général, note-t- on, la plupart des pays doivent relever le défi de l’harmonisation des politiques en matière de population avec les politiques sectorielles dans les domaines tels que la santé, l’éducation, le développement économique et la protection sociale.
Le manque de coordination et de coopération entre ministères de ces différents secteurs, une coopération insuffisante avec les partenaires du développement et entre ces derniers, des obstacles institutionnels et techniques, comptent parmi les principaux problèmes à résoudre pour accélérer la mise en œuvre du programme d’action de la CIPD en Afrique.
De l’évaluation de la mise en œuvre du programme, il est également à déplorer le manque de ressources humaines et financières suffisantes de nombreux services démographiques au sein des ministères, des universités et autres institutions.
La pénurie de compétence dans le domaine de la population et du développement et la forte rotation du personnel réduisent la capacité des gouvernements d’entreprendre des recherches et d’intégrer les questions de population dans les plans et stratégies de développement, indique-t-on.
Outre la rareté des données et des travaux de recherche sur les politiques, la mise en œuvre du Programme d’action en Afrique est entravée par des facteurs culturels et comportementaux et par l’existence ou l’absence de certaines lois et politiques relatives à des questions telles que l’âge minimum du mariage et l’âge de la retraite.
Il est à noter également, une faible ouverture des systèmes de protection sociale et de santé, ainsi que d’enregistrement des naissances, des décès, des migrations et des divorces, en particulier.
Faisant le bilan des 20 ans de mise en œuvre du programme, Martial Paul Ikounga, commissaire en charge des ressources humaines de la science et la technologie de la Commission de l’Union africaine, a déclaré qu’au cours des deux dernières décennies, l’Afrique a réalisé des progrès considérables dans de nombreux domaines tels que l’accès à l’éducation primaire et la réduction de la pauvreté, de même qu’une forte baisse du taux de mortalité maternelle.

Cependant, souligne–t-il, “nous ne serons satisfaits que lorsque nous atteindrons le niveau où aucune femme ne perdra sa propre vie en donnant la vie, car à ce jour, 800 femmes meurent encore quotidiennement en Afrique”.
En outre, ajoute-t-il, “nous devons poursuivre nos efforts dans la réduction du taux de prévalence élevée du VIH SIDA, la réduction des grossesses précoces et l’élimination des pratiques traditionnelles néfastes. Nous devons travailler sur les moyens de protéger les droits sexuels et de reproduction des jeunes et garantir l’accès complet aux services”.
Laurent Assogba, Conseiller en population et développement de l’UNFPA, souligne, pour sa part, qu’ “Au niveau du développement humain, beaucoup de choses ont été faites de 1994 à ce jour”. “Nous avons de meilleures donnes pour des analyses appropriées, même s’il reste encore beaucoup de choses à faire au niveau de la survie de l’enfant. Dans notre région, nous notons un certain nombre de progrès en matière de gouvernance, mais il y a nécessité de faire davantage de recherches”, a-t-il poursuivi.

“Le dividende démographique est une opportunité que l’Afrique doit saisir pour bondir dans le développement”, a-t-il martelé.

Bien que reconnaissant que des progrès significatifs ont été réalisés depuis la rencontre du Caire, Abdalla Hamdok secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) invite à se pencher plus sur les limites, afin de mettre en place des stratégies permettant au continent de corriger le tir et de s’engager dans la voie du développement durable.
“Si le continent a réalisé des progrès significatifs pour gérer les questions de population, des problèmes persistent et ils doivent être résolus de façon structurelle. Il s’agit notamment d’une aggravation des inégalités entre les groupes démographiques. Les personnes âgées, les handicapés, les femmes, les jeunes et les enfants sont encore les groupes les plus vulnérables et les plus désavantagés”, a-t-il souligné.

Il fait remarquer également que plusieurs examens montrent le décalage énorme qui existe entre les politiques liées à la population et leur exécution effective dans la plupart des pays africains. Bien que certains pays soient dotés de politiques démographiques explicites, l’absence de stratégies globales et de dotations budgétaires suffisantes empêche souvent que ces politiques soient pleinement appliquées. “Des disparités majeures existent encore en ce qui concerne l’accès aux services d’hygiène sexuelle et de santé de la procréation, en particulier pour les jeunes et les inégalités entre hommes et femmes restent un défi majeur, notamment en ce qui concerne l’autonomisation économique des femmes et leur participation à la politique et à la prise de décision”, a-t-il poursuivi.

“Les taux de fécondité sont restés relativement élevés sur le continent, malgré des progrès importants dans la réduction des taux de mortalité. Les États membres sont tous d’accord pour dire qu’une croissance démographique élevée constitue une menace pour la protection de l’environnement et la sécurité alimentaire”, déplore-t-il par ailleurs.

Pour Gustave Assah de Social Watch (une ONG spécialisée dans le contrôle citoyen), le bilan certes, les objectifs sont connus, mais il faut une un agenda des résultats pour ne pas retomber dans les mêmes travers.

Même si les différents exposés ont permis de faire le point des progrès réalisés et des limites de l’application du programme, la question qui revient dans les interventions est de savoir les dispositions idoines à prendre pour que 20 ans après la rencontre d’Addis-Abeba, l’application du dividende démographique pour faire décoller l’Afrique ne soit pas toujours à l’étape d’un vœu pieu.

Démarrée lundi, par la réunion des experts, la conférence régionale sur la population et le développent offre l’opportunité de faire le bilan des dix-neuf dernières années de mise en oeuvre du Programme d’action élaboré en septembre 1994 au Caire, en Egypte, par la Conférence internationale sur la population et de développement et de jeter les perspectives au plan régional.

On rappelle que le Programme d’action du Caire, prévu pour être réalisé sur 20 ans, recommande, entre autres, de rendre la Planification familiale accessible partout dans le monde d’ici à 2015 ou plus tôt dans le cadre d’une conception élargie de la santé génésique et des droits en matière de procréation et fournit une estimation du niveau des ressources nationales et de l’assistance internationale requises à mettre à disposition par les gouvernements.



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