Addis-Abeba, Éthiopie (PANA) – L’échec d’une croissance rapide du secteur agricole en Afrique est causé par les politiques obsolètes et faibles qui favorisent les sociétés nationales pour la distribution des produits agricoles, ont révélé la semaine dernière les ministres.
Le ministre nigérian de l’agriculture, Akinwumi Adesina, a déclaré lors de l’ouverture cette semaine du Forum pour l’Agriculture Verte en Afrique (African Green Revolution Forum, Agrf), que la fin du monopole d’État sur les engrais, les semences et autres intrants est essentielle pour l’industrialisation de l’agriculture.
“Il est important de développer des voies pour que le financement arrive aux paysans, tout en assurant le secteur privé que le gouvernement ne distribue pas les intrants agricoles aux paysans”, a déclaré M. Adesina au cours de son discours d’ouverture lors du forum tenu à Addis-Abeba.
En soulignant que les gouvernements africains doivent fortement appuyer leurs paysans, M. Adesina a déclaré que les gouvernements ont la responsabilité de s’assurer de la bonne marche des marchés d’intrants en faveur des paysans.
“Certains pourront affirmer que le soutien aux paysans sous la forme de subventions n’est pas viable en Afrique. J’affirme que la pauvreté n’est pas viable. L’Afrique ne peut pas devenir un musée pour la pauvreté. La pauvreté n’est pas un produit vendable, ce n’est pas une industrie. L’Afrique ne doit pas favoriser la pauvreté”, a-t-il déclaré.
Le Nigeria a mis un terme en 90 jours à son secteur corrompu de distribution d’engrais vieux de 40 ans sous le mandat d’Adesina à la tête du ministère de l’Agriculture.
Une partie de la politique de réformes introduites par Adesina, qui travaillait auparavant pour l’ Alliance pour la Révolution Verte (Alliance for Green Revolution, Agra), qui a convoqué le forum d’une semaine, avait pour but le soutien de l’État aux paysans par le biais du secteur privé.
Le gouvernement nigérian a mis un terme au monopole de l’État dans l’achat et la distribution des semences et des engrais et a permis au système porté par le secteur privé de se développer.
“Le rôle du gouvernement est passé à celui d’offrir un soutien ciblé directement aux paysans pour l’achat de semences et d’engrais via des coupons électroniques ou via des ‘e-portefeuilles’ sur leurs téléphones portables”, a expliqué M. Adesina. La nouvelle approche a permis à 14 millions de paysans de recevoir des intrants agricoles entre 2012 et 2014, grâce à l’utilisation de bons de débit électronique sur leurs téléphones portables.
La politique de réformes a également ouvert le commerce des semences au secteur privé. Galvanisés par la demande en semences par le biais du système des ‘e-portefeuilles’, le nombre de sociétés s’occupant des semences au Nigeria est passé de cinq à 80 en trois ans.
Rhoda Tumusiime, le commissaire de l’Union Africaine, chargé de l’Économie Rurale et de l’Agriculture, a souligné qu’avec la politique de réformes, les pays africains pourraient transformer le secteur de l’agriculture et créer de la richesse pour les femmes et les jeunes démunis.
“Les politiques agricoles doivent être conçues au profit du secteur et des paysans”, a déclaré Tumusiime. “Le secteur agricole doit piloter la transformation de l’Afrique. Nous devons rendre les femmes actives dans l’agriculture et protéger leurs droits à la terre”.
Au cours du forum, les discussions ont porté sur les raisons pour lesquelles les pays africains sont restés de gros importateurs de produits alimentaires, malgré la présence de vastes étendues de terres disponibles.
Michael Mack, le président de Syngenta, une société internationale de recherches agricoles connue surtout dans la distribution de semences, a déclaré que plusieurs facteurs “concourent à amenuiser fortement les opportunités pour le développement par les sociétés africaines des semences en Afrique”.
La plupart des pays importent encore des semences de la Russie et de l’Asie. La capacité de production de semences pour les principales cultures agricoles, dont le tournesol est sous-utilisée.
“Nous avons besoin d’assez de personnes pour inciter à l’action. Pourquoi importons-nous encore des semences pour les légumes? Le problème demeure encore qu’est-ce qu’il faut pour inciter à l’action. Nous devons disposer des parties pour effectuer ces investissements”, a dit M. Mack.
Les experts ont déclaré qu’avec une large population à nourrir, tous les pays en Afrique devraient être dans une position d’avoir leurs semences en tournesol, entre autres semences de légumes qui sont pour l’essentiel importées. Cela va permettre aux sociétés qui produisent le gras de cuisson de s’installer en Afrique pour réduire ces importations.
Au Kenya, le secrétaire principal du ministère de l’élevage, le Pr Fred Segor, a indiqué que les monopoles dans le secteur des semences et des aliments sont encore responsables pour les coûts élevés de ces produits.
“Les raisons des coûts élevés des aliments de bétail résident dans les monopoles. Nous travaillons en vue de libéraliser le secteur pour avoir de bons prix pour les paysans”, a affirmé le Pr. Segor.
En attendant, la Société Kenyane pour le Financement de l’Agriculture (Kenya’s Agricultural Finance Corporation, AFC), une institution de financement d’État, mise sur pied pour appuyer les paysans, va lancer un projet-pilote pour distribuer du maïs avec un prêt de 500.000 dollars américains pour construire des usines de transformation du maïs .
Le directeur général de l’AFC, Lucas Meso, a dit que l’usine automatisée pour la commercialisation du maïs est un projet qui va relancer la chaîne de valeur, en permettant aux paysans de contrôler la transformation de leurs céréales et leur commercialisation sur le marché. L’AGRA, également, soutient ce projet.
Photo credit: AGRA