Sénégal : Le Mouvement National des Femmes appelle à la libération de Mère Ami Dia, une détenue politique gravement malade

Le Mouvement National Jigeenou Pastef (Mojip) a débuté le Mois de l’Histoire des Femmes par une conférence de presse, appelant à la libération de Mère Ami Dia, une mère, une épouse et membre de Pastef arrêtée en juillet 2022 sous suspicion de financer des activités terroristes au Sénégal.

« Sous le régime de Macky Sall, les femmes pleurent », a déclaré Maimouna Dieye, la présidente de Mojip et maire de Patte D’oie. Chaque jour, elles font face à la douleur, à la maladie, à la détention illégale et à l’humiliation. Nous espérons que pendant ce mois dédié aux femmes, le gouvernement nous permettra d’exprimer ce que nous avons dans le cœur, ce qui nous fait mal et ce que nous percevons comme n’allant pas dans le sens du progrès du pays. Si vous êtes membre du gouvernement, vous êtes en sécurité. Si vous ne l’êtes pas, vous entrerez et sortirez de prison. »

La sœur de Mère Ami Dia, Awa Dia, a rappelé dans une interview sur Walfadjri TV le jour où elle a été séparée de sa famille.

« Un homme est venu la voir le lendemain de l’Eid-al-Adha », explique Awa Dia. « Je lui ai dit qu’elle n’était pas à la maison. Il est revenu deux jours plus tard. Avec tout le travail social qu’elle faisait, je pensais que c’était peut-être quelqu’un qui avait besoin d’aide. Je l’ai conduit à l’étage, dans sa chambre. Quelques minutes après être redescendue, je les ai entendus se disputer. L’homme a dit que le juge voulait la voir, et elle voulait en informer ma mère. L’homme ne voulait pas le lui permettre. Nous sommes tous intervenus et lui avons dit que nous venions tous avec lui. Quand nous sommes arrivées là-bas, ils l’ont arrêtée. »

Après un an et sept mois de détention, Mère Ami Dia a été transférée à l’hôpital Abass NDao le vendredi 23 février 2024, pour hyperglycémie. Des sources affirment qu’elle est gravement malade, et que sa famille n’est pas autorisée à la voir.

Une de ses filles, Nandy, présente lors de la conférence de presse, était désespérée : « Nous souffrons depuis le jour de son arrestation », a-t-elle déclaré. « Il n’y a plus de joie sur nos visages. Ils l’ont cherchée pendant quinze jours dans notre quartier avant de la localiser. Si elle était une terroriste, elle serait bien connue. Elle va simplement au travail et rentre à la maison. C’est une mère aimante. »

« Vous vous réveillez un jour et vous dites qu’elle est une terroriste, vous l’accusez d’être membre des ‘forces spéciales' », a ajouté Nandy.  » Vous l’avez emprisonnée pendant 18 mois. Elle était bien portante. Maintenant, elle a tellement perdu de poids que je suis plus lourde qu’elle. Je la regarde chaque fois, incrédule, me demandant quand cela lui est arrivé. Dans quel pays sommes-nous ? Que se passe-t-il ? Certaines personnes meurent pendant que d’autres quittent le pays. Je n’ai jamais aimé la politique, mais je dois m’impliquer maintenant. Je ne me bats pas pour ma mère parce qu’elle est vivante, mais qu’en est-il de ceux qui sont morts ? Nous allons crier parce qu’on nous a pris une personne en bonne santé. Maintenant elle est malade, et nous ne voulons pas en retour un cadavre que nous allons devoir visiter au cimetière. Nous allons nous exprimer. Elle est très malade, et jusqu’à ce jour, je ne peux pas la voir. Il n’y a rien de pire que d’annoncer qu’elle serait libérée et de nous faire attendre devant la prison jusqu’à 22 heures pour que le personnel pénitentiaire nous dise qu’ils n’ont pas reçu ses documents de libération. »

Maimouna Dieye se rappelle de ce jour-là.

« Le jour où les gens ont commencé à être libérés, je suis allée à la prison en espérant que Mère Ami Dia aussi serait libérée », a-t-elle dit. « Ce n’était pas le cas. Peut-être que cette déception a fait monter son taux de sucre. Nous sympathisons avec elle car elle est là depuis plus d’un an. Même un homme ne peut supporter ce niveau de douleur. »

Mais Mère Ami Dia n’est pas la seule détenue politique détenue par le gouvernement ; il y a plus d’un millier de victimes. Les prisons sénégalaises, qui n’ont pas bonne réputation, sont surpeuplées. Certains des détenus libérés ont mentionné la torture, les mauvais traitements et les conditions inhumaines.

Un bébé de 10 mois qui n’a pas encore reçu de vaccins est le plus jeune détenu dans la prison pour femmes. Sokhna Khady, la mère, et toute sa famille ont été arrêtées car un de leurs proches recherchés, Ousmane Fall, étaient introuvables. Il y a quelques semaines, son mari avait déposé une demande pour faire sortir le bébé afin qu’il puisse être vacciné ; cela a été refusé. »

Sokhna Mame Diarra avait également été arrêtée et torturée.

« Je suis tellement émue en ce moment », a confessé Sokhna Mame Diarra en larmes. « Je n’ai pas pleuré devant les gens depuis le jour où j’ai perdu l’un de mes parents. Les femmes au Sénégal souffrent depuis 2012, surtout celles qui sont membres du parti politique Pastef. Nous demandons à Macky Sall de revenir à la raison. Tout sur terre a une fin. Il sera interrogé par Dieu sur la façon dont il a dirigé le Sénégal. Pour nous, femmes sénégalaises, son leadership est synonyme de douleur, de coups, de meurtres et de torture. Nous avons été battues dans une voiture de police, notre pagne relevé. Si vous pouviez voir les corps de certaines femmes, vous ne croiriez pas ce qui leur a été fait. Certaines d’entre nous ont encore du mal à s’asseoir sur leur lit. La torture n’est rien de nouveau. Nous la vivons depuis longtemps sous le régime de Macky Sall. »

Lucie Sané, la coordinatrice du collectif des familles des détenus politiques, ne pouvait contenir sa frustration.

« Si ces personnes étaient les terroristes qu’on les accuse d’être, pensez-vous qu’elles seraient libérées comme ça ? » a demandé Lucie Sané. « Si ces personnes étaient membres des ‘forces spéciales’ comme ils l’ont dit, et si elles étaient les criminels qu’on les accuse d’être, elles n’auraient jamais été libérées. Toutes les personnes précédemment détenues font des aller-retours à l’hôpital. Elles sont toutes malades. La plupart des détenus ont été arrêtés parce qu’ils manifestaient. Le droit de manifester n’est pas un crime. »

Quelle que soit la gravité de la situation, Maimouna Dieye pense qu’il y a encore de l’espoir pour que Mère Ami Dia soit libérée bientôt avant qu’il ne soit trop tard.

« Nous savons que Macky Sall a une mère, une femme, une fille et des amies femmes », a déclaré Maimouna Dieye. « Nous voulons qu’il étende la même compassion qu’il a pour ces femmes à toutes les femmes sénégalaises. Aux femmes sénégalaises qu’il harcèle. Dix-sept d’entre nous avaient été arrêtées en 2021. Nous avons dormi sur le sol carrelé froid pendant sept jours. Nous ne pouvions pas dormir. Ils refusaient de nous donner ce dont nous avions besoin. Ils vous suivaient même aux toilettes et frappaient à la porte si vous y passiez plus de 5 minutes. Il y a des choses que nous ne pouvons même pas dire ici. Nous avons l’une de nos membres, Mariama Sagna, qui est morte. À ce jour, nous ne savons pas qui l’a tuée. C’est de la violence, et cela ne disparaîtra pas tant que nous ne saurons pas ce qui lui est arrivé. Nous demandons que tous les prisonniers soient libérés. Nous demandons qu’Ami Dia soit libérée. Elle devrait être aux côtés de sa famille et non en prison. »

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