L’Ambassadrice de bonne volonté de l’ONU pour les femmes, Danai Gurira, alerte sur l’augmentation de la violence sexuelle à l’égard des femmes et des enfants

Photo : ONU

L’Ambassadrice de bonne volonté de l’ONU pour les femmes, la dramaturge et actrice primée Danai Gurira, a prononcé des remarques percutantes le 24 avril 2024 au Conseil de sécurité de l’ONU lors du débat annuel ouvert sur la violence sexuelle liée aux conflits. Le débat, organisé sous la présidence maltaise du Conseil de sécurité, était axé cette année sur la prévention de la violence sexuelle liée aux conflits grâce à la démilitarisation et au contrôle des armes sensibles au genre.

Mme Gurira était accompagnée d’autres intervenants, notamment Pramila Patten, Représentante spéciale pour la violence sexuelle en conflit, qui a présenté le quinzième rapport annuel du Secrétaire général sur la violence sexuelle liée aux conflits ; et Niemat Ahmadi, Fondatrice et Présidente du Groupe d’action des femmes du Darfour.

Voici quelques points saillants des remarques de Mme Gurira ; la version intégrale peut être consultée ici.

“Quatre-vingts cents. Quand avez-vous tenu pour la dernière fois 80 cents ? Payé quelque chose et c’était tout ce que ça coûtait ? Ce n’est même pas suffisant pour acheter un paquet de chewing-gum de nos jours. Mais cela peut vous acheter un enfant à violer dans une prétendue Maison de la Tolérance dans un camp pour personnes déplacées internes dans l’est de la RDC [République démocratique du Congo].

C’est le monde dans lequel nous vivons encore, où les zones de conflit sont des zones de terreur pour les femmes et les enfants.

Ce qui me choque, c’est la manière dont ces crimes sont commis partout dans le monde, à quel point le problème est devenu vaste et répandu. Le rapport [Rapport du Secrétaire général sur la violence sexuelle liée aux conflits (S/2024/292)] couvre 25 situations : de la Colombie à l’Ukraine, en passant par Israël et les territoires palestiniens occupés, Haïti et, plus proche de chez moi, en tant que Zimbabwéenne, la RDC, l’Éthiopie, la République centrafricaine et le Soudan. Cette question est maintenant prévalente dans plus de pays, pas moins.

Nous devons reconnaître les femmes et les survivants partout dans le monde. Rien n’est plus dangereux que des crimes qui ne sont pas reconnus, des crimes qui ne sont pas vus et qui sont autorisés à persister.

Je suis ici aujourd’hui pour amplifier les voix de ceux qui ne sont jamais vus ni entendus, pour reconnaître leur souffrance et m’assurer qu’ils ne sont pas oubliés. Et pour tenir responsables ceux qui permettent que cela continue.

Il y a plus de services pour les survivants qu’auparavant, plus de personnes travaillant sur cette question qu’auparavant, mais nous nageons simplement à contre-courant, sans avancer. Et cette marée est encouragée par neuf années consécutives de dépenses militaires croissantes, atteignant un niveau record de plus de 2,4 milliards de dollars. Les acteurs commettant des violences sexuelles à des taux aussi élevés au Soudan, en RDC, en Éthiopie ou en Haïti, pour n’en citer que quelques-uns, sont armés jusqu’aux dents, violant ouvertement les embargos sur les armes. Nous entendons tellement parler de perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale, mais les armes continuent d’affluer.

Comment vos paroles dans cette enceinte ou les petits programmes de l’ONU dans les zones de conflit peuvent-ils rivaliser avec 2,4 milliards de dollars de dépenses militaires et des ventes d’armes record ? Lorsque nous prenons en compte toute l’aide bilatérale soutenant les organisations et mouvements féministes, dirigés par des femmes et défendant les droits des femmes dans les pays en conflit, nous n’atteignons même pas les 150 millions de dollars pour la dernière année pour laquelle nous avons des données. Autrement dit, moins de 0,01 % des dépenses militaires mondiales.

Le point est qu’inverser la trajectoire ascendante des dépenses militaires serait un moyen de réduire le nombre de victimes nécessitant un soutien dès le départ. Le point est que travailler sur le contrôle des armes et la gestion des munitions contribue également à prévenir la violence sexuelle liée aux conflits. Les armes font partie de la racine qui permet ces crimes, c’est indéniable.

Mais je dois souligner que moins d’armes ne s’attaque pas au cœur de la psychose de ceux qui utilisent ce genre de violence.

La question qui me frappe, qui me choque, et qui a toujours été celle qui nécessite des mesures bien plus vigoureuses qu’actuellement, comme mentionné, est celle de l’impunité. Nous voyons la documentation à travers le rapport du Secrétaire général, à travers tant de témoignages de courageux survivants : sur le commandant qui a commis l’acte, et il a été laissé libre, en raison de son pouvoir politique, de son argent, de son intimidation ; les soldats qui ont terrorisé un foyer, une école, une communauté, sans aucune conséquence ; les gouvernements permettant à leurs soldats d’avoir carte blanche pour terroriser. Cela arrive plus de fois que nous pouvons en compter. En plus d’un problème d’armes, nous avons un problème de dissuasion.

Même si la CPI [Cour pénale internationale] a pris en charge certains cas de violence sexuelle, il est toujours largement gratuit de violer dans le chaos du conflit. J’aimerais m’adresser aux gouvernements présents ici aujourd’hui qui permettent que cela se produise sur leur territoire en toute impunité. Si vous refusez de protéger vos plus vulnérables et de permettre que leurs corps soient un enjeu de vos conflits politiques, vous devez en rendre compte. Et vous ne devriez pas occuper un poste de leadership.

Nous avons également besoin d’un changement des cultures dominées par les hommes, où les hommes ne se tiennent pas eux-mêmes ni les uns les autres responsables de commettre ces crimes, où les dirigeants et leurs armées tolèrent cette atrocité envers leurs propres citoyens.

Tant qu’il ne sera pas clair qu’il y a des conséquences pour le viol — des conséquences réelles, graves —, nous ne pourrons jamais inverser la tendance. »

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