Dakar, Sénégal (PANA) – « La ruée vers l’or bafoue les droits fondamentaux des communautés, », dénonce un rapport rendu public vendredi à Dakar par Amnesty International.
Le document est le résultat d’environ trois années de recherches lancées depuis 2011 sur l’exploitation de l’or par la Sabodala Gold Operation (SGO), une société Canadienne qui opère dans la région aurifère de Kédougou au Sud-Est du Sénégal, à plus de 700 km de Dakar.
Selon Amnesty International, « le gouvernement octroie des concessions à des compagnies minières sans garantir le respect des droites humains ». Seydi Gassama, le directeur exécutif de la section sénégalaise d’Amnesty International a rappelé que pour démarrer ses activités en 2011, la SGO a dû déplacer tout le hameau de Dambankhoto.
D’après cette étude, la population n’a pas été relocalisée comme il se doit. Une quinzaine de familles, environ soixante personnes, étaient directement touchées.
« Les populations ont beaucoup perdu de leurs moyens de subsistance. Elles ont perdu les terres agricoles qu’elles avaient au bord de la rivière qui leur donnait beaucoup d’eau pour pratiquer l’agriculture », se plaint M. Gassama, qui ajoute que les déplacés n’ont plus suffisamment de terres et d’eau pour leurs activités agricoles.
Le responsable d’Amnesty International Sénégal qui présentait le rapport, estime que l’Etat a concentré tous ses efforts sur une politique essentiellement destinée à attirer les investisseurs sans penser à protéger les populations riveraines des sites miniers. « Dans les prochaines années, l’exploitation minière va s’intensifier à Kédougou et si l’Etat ne prend pas des mesures de protection sur le plan juridique pour les communautés, les déguerpissements vont se multiplier, les mécontentements aussi. Cela peut avoir des conséquences extrêmement graves pour les droits humains et la stabilité du pays », prévient Seydi Gassama.
Djiguiba Cissokho, le chef du village de Dambankhoto était aussi présent à la publication du rapport. Déplacé comme les autres familles en 2010, il affirme avoir personnellement été victime des faits dénoncés par le rapport.
M. Cissokho raconte : « Je me suis retrouvé avec deux hectares et demi, alors que j’étais propriétaire d’un champ de cinq hectares ». Le chef du village affirme que la Sabodala Gold Operation, toujours en quête de nouvelles terres pour ses activités, lui a repris le champ qu’il cultivait. Dans la zone, l’agriculture et l’orpaillage sont les seules activités économiques de la population.
Djiguiba Cissokho qualifie de dramatique pour les villageois, la dernière décision du Chef de l’Etat interdisant l’orpaillage. « On n’a plus de champs à cultiver et on nous interdit l’orpaillage. Nous n’avons plus de solution, nous croisons les bras et attendons l’Etat », a martelé le chef de village.
Mady Cissokho, le président de la communauté rurale (Pcr) de Sabodala dont Dambankhoto fait partie, a déclaré quant à lui que le principal problème, c’est que les terres fertiles dont la population a besoin lui ont été arrachées. «
Quand la société a besoin d’un endroit, elle dit au sous-préfet de voir le Pcr pour convoquer un forum de négociation. Mais ce forum aboutit tôt ou tard à lui céder le terrain », déclare M. Cissokho qui considère que l’Etat ne fait rien pour protéger les populations. Il a souligné que le pouvoir central ne s’acquitte pas de ses devoirs envers les villageois. Il explique que les autorités sénégalaises perçoivent régulièrement des redevances de la SGO, précisant qu’une partie de ces taxes doit être reversée à la population sur place, ce que le pouvoir central ne fait pas, d’après lui.
« Si la population n’obtient pas ce qui lui revient, elle va s’appauvrir de jour en jour », dénonce le président de la communauté rurale de Sabodala qui compte une dizaine de villages. Pour donner un exemple concret, Mady Cissokho informe qu’il y a six mois, la société minière a été verbalisée pour avoir défriché un terrain sans l’autorisation des services des Eaux et Forêts. Elle a payé une amende de 145 millions de F Cfa dont 101 millions (70%) reviennent à la communauté rurale, « mais depuis, nous n’avons rien vu », déplore-t-il.