Dar es Salam, Tanzanie (PANA) – Mardi était jour férié en Tanzanie dans le cadre de la commémoration du 15ème anniversaire de la disparition du père fondateur de ce pays d’Afrique de l’Est, Mwalimu Julius Kambarage Nyerere.
Depuis 1999, année de la disparition de M. Nyerere à l’âge de 77 ans à l’hôpital Saint Thomas de Londres, le gouvernement a ajouté le 14 octobre à sa liste de jours fériés pour rendre hommage à l’homme d’Etat dont les idéaux et les valeurs sont devenus un héritage que de nombreux Tanzaniens vénèrent à ce jour.
Selon le quotidien The Citizen, les valeurs que défendait M. Nyerere « perdurent, du moins parmi ceux d’entre nous qui sont assez patriotes et consciencieux et qui ne sont pas sous l’emprise de l’avidité, de la corruption et de la soif du pouvoir ».
Dans son éditorial de ce mardi, le journal déclare: « Nul ne dira que Mwalimu était un ange. Il était tout à fait humain comme nous autres. Il avait ses omissions et actions qui ont pu heurter certains en sa qualité de dirigeant ou simplement d’individu ».
« Cependant, si on le juge à l’aune de sa position, de son leadership visionnaire et de l’expression des aspirations de son peuple, de son rôle dans la libération de l’Afrique, ses qualités dépassent de loin ses défauts. On se souviendra toujours de lui pour le développement industriel de son pays. Il souhaitait diriger un pays qui consommait ce qu’il produisait ».
Connue sous le nom de Journée Nyerere, cette commémoration a depuis 2000 été marquée par une course au flambeau Uhuru (Indépendance) qui couvre chaque district de la Tanzanie Continentale et les îles de Zanzibar.
La course de cette année a débuté le 02 mai et le Président Jakaya Kikwete a reçu le flambeau lors d’un rassemblement au stade municipal de Tabora dans le Centre-ouest de la Tanzanie.
La Torche Uhuru a été allumée pour la première fois au Sommet du Mont Kilimanjaro le 09 décembre 1961 pour marquer l’accession à l’indépendance du pays.
En 1964, M. Nyerere a introduit la première course annuelle dans laquelle un groupe de jeunes sélectionnés portent la torche à travers le pays comme un symbole national qui illumine le pays et au-delà de ses frontières pour ramener l’espoir là où il y a du désespoir, de l’amour à la place de l’animosité et du respect là où il y a du mépris.
En réfléchissant sur le leadership de M. Nyerere avec nostalgie, The Citizen rappelle que la Tanzanie, pays qui autrefois était un modèle d’unité et de tolérance, est désormais menacé par les divisions religieuses, le tribalisme et l’opportunisme politique.
A l’époque où M. Nyerere a quitté le pouvoir en 1985, le quotidien a rappelé qu’il y avait des centaines d’industries à travers le pays. Mais de nos jours, a-t-il déploré: « ces industries ont été vendues pour un radis à de soi-disant investisseurs dans le cadre de la frénésie de la privatisation des années 90 ».
Le journal a présenté une image sombre de l’avenir dont M. Nyerere rêvait pour la Tanzanie en tant qu’économie orientée sur l’exportation qui créerait des emplois pour ses jeunes.
« De nos jours, qui n’est pas déçu en regardant en arrière ce qu’étaient autrefois les entreprises publiques? Un pays qui à un moment produisait ses propres brouettes, bicyclettes, outils agricoles, textiles – pour ne citer que ceux-là- est aujourd’hui un importateur de tout !
« Une nation renommée pour ses experts juridiques, ses historiens et ses scientifiques politiques porte désormais le fardeau de centaines de milliers de diplômés qui ne sont pas compétitifs, aussi bien sur le marché local qu’international », a fait remarquer le journal.
Au plan politique, The Citizen a souligné que dans le parti qu’il a fondé, le Chama cha Mapinduzi (CCM), le leadership est à la portée des plus offrants – c’est à dire ceux qui ont les moyens financiers et qui nourrissent les électeurs.
« Ces escrocs rebaptisent la corruption à qui ils donnent un nouveau visage tout en utilisant leur position politique pour amasser des richesses », a accusé le journal.
Un autre quotidien privé, The Guardian, a rapporté que les analystes politiques et les membres du public considèrent M. Nyerere comme l’avenir et non pas comme le passé de la Tanzanie, et que le peuple ne devait pas célébrer son héritage sans appliquer ses principes.
Le Professeur Issa Shivji a estimé que les Tanzaniens doivent revisiter les fondamentaux que Mwalimu défendait, en particulier en élaborant une vision à long terme pour le pays et sa position sur le continent.
« Comme celle de Mwalimu, cette vision doit prendre en compte les communautés les plus marginalisées et la majorité pauvre… c’est ce que Mwalimu aurait voulu », a déclaré M. Shivji.
Selon le Dr. Benson Bana, un analyste politique à l’Université de Dar es Salaam, la Tanzanie a encore besoin des idées de Mwalimu et la nation ne doit pas considérer ses pensées comme dépassées.
Il a averti que le népotisme, l’ethnicité et le tribalisme sont contre les principes de la nationalité et de la solidarité qui étaient mis en avant par le Père fondateur de la Nation.
D’autre part, le Président Kikwete a déclaré au rassemblement à Tabora que le principal héritage de M. Nyerere à son peuple est ce pays que l’on appelle la République Unie de Tanzanie.
Il a invité ses compatriotes à promouvoir et à défendre l’unité nationale, à travailler dur pour leur propre développement et à lutter contre tous les maux qui peuvent affaiblir la nation.
« Ce n’est pas un jour pour regretter le départ de M. Nyerere, mais pour célébrer la vie du fondateur bien-aimé de cette nation. Il a beaucoup fait pour notre pays et pour l’Afrique. Nous devons chérir ses faits », a ajouté M. Kikwete.
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