Gestion foncière défaillante : les révélations accablantes de la Cour des comptes sur la réserve animalière de Bandia

Dans son rapport 2019-2021, la Cour des comptes dénonce les graves irrégularités dans la gestion foncière de la Réserve animale de Bandia qui couvre une superficie de 3500 hectares (à 65 km de Dakar sur la route de Mbour). Alors que la réserve est censée être un exemple de gestion forestière durable, les vérificateurs de la Cour des comptes ont découvert une série de manquements alarmants, jetant une lumière crue sur les pratiques douteuses qui persistent dans le secteur.

L’examen minutieux des activités sur le site a révélé plusieurs irrégularités, notamment « le non-respect des prescriptions du protocole de concession et la non-conformité du plan d’aménagement aux dispositions réglementaires en vigueur. » Malgré l’interdiction de toute construction en dur sans autorisation préalable, la Rb Sarl a édifié plusieurs ouvrages sans approbation ministérielle, violant ainsi les termes du protocole.

Sur le plan foncier, la Réserve de Bandia rencontre des questions épineuses. D’après la Cour, les 3500 hectares exploités par la Rb Sarl sont susceptibles d’empiéter les périmètres de plusieurs communes. Il s’agit de Sindia, Diass, Notto Diobass et Tassette. Il se pose alors la question de la répartition spatiale de la Réserve dans les communes, puis celle de la clé de répartition des recettes entre ces dernières. Malgré le fait que la Direction des Eaux, Forêts, Chasse et de la Conservation des Sols (DEFCCS) ait réalisé une cartographie comportant une répartition de la superficie du domaine concédé dans les périmètres des communes connues sur la base des limites territoriales fixées par l’ Agence nationale d’aménagement du territoire (Anat), le problème reste entier.

 

Arriérés de paiement de la taxe annuelle d’amodiation

Selon cette carte de la Defccs, le terrain concédé à la Rb Sarl est réparti dans les communes riveraines ainsi qu’il convient : Sindia (2680 hectares) soit 76,57% ; Diass (537 hectares) soit 15,34% et Notto Diobass (46 hectares) soit 1,31%. «En tout état de cause, ni l’erreur matérielle relevée dans les articles 13 et 15 du protocole ni l’absence de clé de répartition ne devait empêcher le versement des sommes dues, dès lors que, dans l’esprit du protocole, c’ est la collectivité territoriale du ressort qui vise à traverser la « communauté de Bandia ». Ainsi, la Rb Sarl aurait dû verser chaque année le montant intégral des allocations au comptable assignataire qui a la possibilité d’encaisser la recette et de la comptabiliser dans un compte d’imputation provisoire, en attendant la mise en place d’une clé de répartition par l’autorité compétente», écrit la Cour.

Celle-ci s’est aussi penchée sur la gestion d’autres Zones de chasse amodiées (Zca). Par décision n° 29/Ckrd/Pc du 10 août 2007 de l’ancien Conseil régional de Kolda, Chantal Bertrand a été autorisée à amodier (Donner à ferme un bien foncier, une exploitation rurale bénéficiant d’une redevance périodique en nature ou en argent ) une zone de chasse dite Sédhiou/Relais Fleuri d’une superficie de 60.000 hectares. Mme Bertrand est astreinte au paiement d’une taxe annuelle d’amodiation d’un montant de 2.100.000 FCFA en sus des autres droits prévus par le Code de la chasse et de la protection de la faune. Toutefois, « au vu des quittances produites par l’amodiataire (preneur à bail de terres cultivables), cette dernière ne s’est pas acquittée de l’intégralité des montants dus au titre de cette taxe », a découvert la Cour des comptes. Mme Bertrand doit à l’État du Sénégal la somme de 3.150.000 FCFA au titre des arriérés de paiement de la taxe annuelle d’amodiation.

 

Le Conseil départemental de Foundiougne, Maurice Malerbaud et le cahier des charges

Par décision n°07/CDF du 15 avril 2016, le président du Conseil départemental de Foundiougne a autorisé l’aménagement d’une zone de chasse située dans la commune de Djilor et couvrant une superficie de 43.000 hectares. Sur la base de cette décision, les DEFCCS (à préciser) ont établi et soumis à la signature de Maurice Malerbaud un cahier des charges ayant pour objet de préciser les clauses engageant les parties dans le cadre de la localisation des droits de chasse dans la zone de chasse dénommée Djilor/Passy Chasse.

En vertu de l’article 10 dudit cahier des charges, l’amodiataire s’engage à payer une taxe annuelle d’amodiation de 1.505.000 FCFA pour l’assiette globale qui lui est affectée. La Cour constate qu’au moment de la revue, cette taxe n’a pas été acquittée en ce qui concerne les exercices 2020 et 2021, soit des arriérés d’un montant cumulé de 3.010.000 FCFA. Dans sa réponse, le lieutenant-colonel Modou Moustapha Sarr, ancien inspecteur régional des Eaux et Forêt de Fatick, admet que la taxe annuelle qui s’élève à 3 010.000 FCFA reste due par l’amodiataire à l’État. Il a transmis à la Cour la « lettre de rappel » qui a été envoyée à M. Malerbaud.

Il y a aussi la Zone de chasse amodiée de Kandia qui se situe dans le département de Vélingara et qui couvre une superficie de 30.000 hectares. Au cours de la période sous revue, deux amodiataires l’ont tour à tour exploitée. Il s’agit de Amadou Tidiane Diallo (décision n°2017-02/AA/CDV/P du 22 décembre 2017) pour les années 2019 et 2020, et Yangoène Simon Pierre Coly (décision n°2021/007/AA/CDV/ P du 06 décembre 2021) au titre de la campagne 2021. L’exploitation de la zone de chasse par ces derniers est encadrée par des cahiers des charges établis par le directeur des eaux et forêts et chasses et de la conservation des sols et approuvés par le ministre chargé des eaux et forêts.

 

Un audit financier révélateur

L’audit financier révèle des chiffres alarmants concernant la gestion de la Réserve animale de Bandia. Parmi les données les plus préoccupantes figurent : « D’abord, les redevances impayées. La Réserve de Bandia Sarl (RB Sarl) doit à l’État du Sénégal des redevances annuelles non payées s’élevant à 74.422.500 FCFA. De plus, les allocations annuelles prévues pour les collectivités territoriales riveraines n’ont jamais été versées depuis l’entrée en vigueur du protocole en 2004, totalisant une somme de 81.216.000 FCFA sur la période 2004-2023. Ensuite, les incohérences dans les chiffres : Des écarts importants ont été relevés entre les données fournies par la RB Sarl et la réalité financière de la réserve. Ces incohérences remettent en question la fiabilité des informations financières officielles et soulignent la nécessité d’une vérification approfondie des comptes de la Réserve.

Les chiffres montrent des disparités régionales dans la répartition des revenus générés par la Réserve. Certaines régions bénéficient de manière disproportionnée des retombées économiques, tandis que d’autres sont négligées, alimentant ainsi les inégalités régionales. Enfin, l’utilisation inefficace des fonds. Malgré les investissements consentis, les chiffres révèlent une utilisation inefficace des fonds alloués à la Réserve, avec peu de résultats tangibles à présenter.

Cette situation soulève des questions sur la pertinence des choix d’investissement et la gestion des ressources financières disponibles. Ces chiffres mettent en lumière des lacunes significatives dans la gestion financière de la Réserve animale de Bandia et soulignent la nécessité d’une action immédiate pour remédier à ces problèmes et assurer une utilisation transparente, équitable et efficace des ressources de la réserve.

Les recommandations de la Cour des comptes comprennent : « La mise en place d’un suivi rigoureux et régulier des activités des concessionnaires pour garantir le respect des engagements financiers et contractuels. Le renforcement du contrôle et du recouvrement des redevances dues à l’État, notamment en envoyant des lettres de rappel et des mises en demeure en cas de non-paiement. La révision des protocoles de concession pour clarifier les obligations financières et assurer une répartition équitable des revenus entre l’État et les collectivités territoriales riveraines. L’amélioration de la coordination entre les différentes entités impliquées dans la gestion des zones de chasse afin de garantir une application cohérente des réglementations et des procédures. Et l’application stricte des dispositions législatives et réglementaires en matière de gestion des ressources naturelles pour éviter les irrégularités et les infractions. »

Ces recommandations visent à améliorer la transparence, l’efficacité et la gouvernance de la gestion des zones de chasse amodiées, afin de garantir une exploitation durable des ressources naturelles et une préservation de l’équilibre écologique.

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